Actionnariat salarié : pourquoi faire compliqué quand cela pourrait être simple ?

Les Loi de Finances et celle de Financement de la Sécurité Sociale pour 2018 votées au parlement en fin d’année 2017 introduisent des modifications fiscales et sociales concernant les Actions Gratuites et, pour la première fois depuis 1998, les Bons de Souscription de Parts de Créateurs d’Entreprises (BSPCE). Ces sujets chers à France Digitale, l’association que je co-préside, ont finalement été adressés « raisonnablement » et les principaux « bugs » contenus dans les Projets de loi ont été corrigés via amendements au Parlement. Ainsi, le taux de contribution patronale payable au moment de l’acquisition d’Actions Gratuites a été ramené de 30 à 20% et la mise au barème de l’Impôt sur le Revenu de la plus-value d’exercice des BSPCE en cas d’ancienneté du bénéficiaire inférieure à 3 ans a été annulée et remplacée par la taxation forfaitaire à 30% telle qu’en vigueur depuis 1998.

Ceci dit, les éléments votés ne concernent, pour les Actions Gratuites, que celles attribuées en vertu d’une décision d’Assemblée Générale postérieure au vote de la loi de Finances 2018 et, pour les BSPCE, qu’aux bons attribués à compter du 1er Janvier 2018.

Alors que les événements donnant lieu à contribution patronale (acquisition des Actions Gratuites) ou à fiscalité du bénéficiaire (cession des Actions Gratuites ou des titres issus de l’exercice des BSPCE) peuvent avoir lieu dans le futur, aucune rétroactivité simplificatrice n’a été implémentée malgré notre insistance auprès du gouvernement. Il existe ainsi aujourd’hui 7 régimes pour les Actions Gratuites (avant octobre 2007, octobre 2007, juillet 2012, septembre 2012, loi Macron 2015, décembre 2016 et loi de finances 2018) et dorénavant 2 régimes pour les BSPCE (attribution avant ou après le 1er janvier 2018) ! Souhaiter favoriser l’actionnariat salarié et maintenir 9 régimes différents paraît peu cohérent, si ?

Nous avons particulièrement insisté sur le besoin de garder un caractère unifié au régime des BSPCE car, d’une part, ce dispositif très utilisé par les startups n’a jamais été réformé depuis sa création en 1998 et, d’autre part, parce que, le seul événement taxable étant la cession des titres sous-jacents, la mise en place d’un nouveau régime va conduire à une situation inéquitable entre collaborateurs d’une même société. Pourquoi les salariés attributaires de bons avant le 31 Décembre 2017 seraient-ils plus taxés que ceux en ayant reçus après le 1er Janvier 2018 ? Aucun rationnel ne semble justifier un tel arbitrage pourtant acté par le gouvernement ☹️

En fait, quand je dis qu’il n’y a aucun rationnel, je ne prends pas en compte le raisonnement imposé par Bercy dont la réponse est édifiante : faire profiter aux salariés bénéficiaires de BSPCE avant le 31 Décembre 2017 de la fiscalité plus favorable issue de la loi de Finances 2018 (mise au PFU du gain total net pour les nouveaux attributaires ayant plus de 3 ans d’ancienneté le jour de la cession) n’aurait eu aucun impact économique puisque concernant une décision d’attribution prise avant le vote de ladite loi… On complique donc pour ne pas encourager le passé ! 

Le raisonnement, qui se veut imparable tout en masquant peut-être une « mesquine » préoccupation budgétaire, est malheureusement représentatif de la machine qui nous gouverne. A l’entrepreneur que je suis, il paraît pourtant parfaitement légitime d’affirmer que complexifier un régime (dont la stabilité et simplicité ont depuis 20 ans été les principales vertus) envoie, sur un sujet aussi sensible, un mauvais signal à l’écosystème entrepreneurial.

Oubliant le nouvel « incentive », le chef d’entreprise anticipe en effet déjà les désagréments d’une complexification difficilement explicable auprès des collaborateurs concernés… A la question « Pourquoi est-ce injuste ? » de la part de ses salariés, le dirigeant ne pourra, le jour venu, que répondre « Parce que Bercy l’a préféré ainsi » !

Ne serait-il pas temps que la « sophistication complexificatrice » de notre Ministère de l’Economie et des Finances sache enfin faire place à un peu plus de « bon sens simplificateur » ? On pourrait alors parler de transformation !

Paru initialement dans L'Opinion